Comment adopter une communication digitale éco-responsable ?

Difficile de faire le lien entre le digital et la préservation de l’environnement ?

Effectivement quand on parle de communication écoresponsable, on pense directement aux supports-papier, à l’encre utilisée, à l’impact de l’acheminement des impressions… Comment nous avions pu l’aborder dans l’article : COMMENT FAIRE MES SUPPORTS DE COMMUNICATION ÉCOLOGIQUES À COÛTS RÉDUITS ?

Mais pas (encore 😉 !) à l’impact de l’usage du numérique.

Pour découvrir ce sujet, j’ai fait appel à la spécialiste Dominique Nicolle qui a répondu à mes questions.

Interview de Dominique Nicolle

Interview de Dominique Nicolle

Chef de projets techniques et fonctionnels - Développeuse de sites internet et d'applications web éco-conçus.

Cela signifie qu’elle prend en compte l’impact du numérique sur l’environnement pour chacun de ses projets.

Bonjour Dominique, merci de nous éclairer sur ce sujet primordial en cette ère du digital.
Cette interview a pour but de sensibiliser les entrepreneurs à communiquer sur leurs activités de manière éco-responsable, tout en restant efficace, sans dépenses supplémentaires.

Peux-tu nous dire de façon non-exhaustive sur quels piliers la communication d’une entreprise/ou d’un entrepreneur peut avoir des conséquences sur l’environnement ?

  1.  L’usage des réseaux sociaux
  2. La création du site internet sobre en fonctionnalités et léger dans sa structure
  3. La gestion du site internet, notamment les contenus, leurs durées de vie et leurs médias
  4. Emailing

Concrètement, ces taches se résument à l’utilisation d’un ordinateur ou d’un smartphone et à internet.
En quoi cela impacte-t-il l’environnement mis à part la consommation d’électricité ?

C’est une erreur de croire que la consommation électrique est la source du problème.
La fabrication des appareils engendre 70% des émissions de gaz à effet de serre liés au numérique.
Ecoconcevoir un service numérique, c’est avant tout faire en sorte qu’il n’engendre pas l’obsolescence anticipée des terminaux des utilisateurs finaux (ordinateur, smartphone, tablette)

Par exemple : Un site où chacune des pages pèse 4Go s’affichera trop lentement pour l’utilisateur. En général, pour l’utilisateur la lenteur de l’affichage vient de son matériel qui n’est plus assez performant. En conséquence, l’utilisateur remplacera son appareil. Alors qu’avec un site performant, les appareils qui ne sont plus à la pointe de la technologie peuvent y accéder sans souci.

Pour la majorité des entrepreneurs, la communication via les réseaux sociaux est indispensable. Comment continuer à communiquer de manière plus responsable ?

Allez droit au but ! Le message doit être clair et concis : Facebook est roi pour capter l’attention par des sollicitations multiples. Si votre message est trop long ou mal pensé, l’utilisateur va être absorbé par d’autres informations.
En écoconception, il est indispensable d’être sobre pour centrer l’utilisateur sur le service mis en œuvre.
Pour rédiger votre publication, demandez-vous quel en est le but ?Une vidéo est-elle nécessaire pour faire venir sur le site ?

Quelques chiffres :  On sait qu’un utilisateur de Facebook pèse 269g équivalents Co2 par an.
Facebook compterait 2,4 milliards d’utilisateurs actifs dans le monde = 645 Millions de Kg équivalent Co2 par an = 645000 vols Paris/New York (source https://www.qqf.fr/infographie/69/pollution-numerique-du-clic-au-declic).

Pour les entrepreneurs et les entreprises qui ont pour projet de créer un site, quels sont les points essentiels où il faudra être vigilant pour réduire notre impact environnemental ?

Il faut d’abord savoir que ce n’est pas le site internet qui est écoconçu, mais les services qui y seront présents.
Il est primordial de se poser la question de l’utilité du site internet en lui-même : est-ce qu’une boutique qui vend exclusivement localement a besoin d’un site internet pour faire venir les gens chez eux ? il est possible qu’un affichage sur le site de la commune, ou un tract distribué en boite aux lettres suffise.
Ensuite, une fois le besoin établi, les fonctionnalités doivent être pensées avec sobriété.

Aussi, le contenu doit être conçu pour que les visiteurs y trouvent le plus facilement/rapidement possible ce qu’ils y cherchent. Cela permet aussi de bien hiérarchiser les contenus, et cela tombe bien les moteurs de recherche adorent que les contenus soient structurés.

Bien sûr il faudra faire attention aux poids des pages (images/vidéos trop lourdes…), aux nombres de requêtes avec le serveur (paramétrage serveur, mise en cache des éléments statiques…), à la complexité de la structure HTML (plus le site est complexe plus l’appareil doit utiliser de mémoire vive ou de cycle processeur pour l’afficher).

Idéalement, pour les pictogrammes, utiliser les sprites (1 seul fichier regroupant toutes les petites images).

As-tu des recommandations à faire aux entrepreneurs qui débutent, avec un petit budget communication et qui souhaiterait faire eux-mêmes un site ou un blog avec le CMS WordPress ?

Les recommandations sont les mêmes que ci-dessus : bien réfléchir en amont de ce qui est indispensable au site et aux contenus (hiérarchisation, compréhension des visiteurs, structure, arborescence…).
En plus, certaines fonctionnalités comme les sliders sont à proscrire, c’est joli, ça bouge, mais les visiteurs ne les regardent pas. Si vous avez défini une zone dédiée à cela, remplacez-la par une seule image bien pensée et préparée (72dpi, compression, bon format) avant de la télécharger sur le site. Elle pourra être changé régulièrement.
Toutes les images du site qu’elles soient en page d’accueil ou dans les contenus doivent être travaillées avant.
Limitez les vidéos (ou remplacez-les par des podcasts si le contenu le permet), si vous ne le pouvez pas, préférez les héberger sur une plateforme dédiée, ainsi vous n’aurez pas à les télécharger partout où vous souhaitez les diffuser.

Pour ceux qui ont déjà un site internet ou un blog et qui n’ont pas le projet de refaire leur site. As-tu des conseils pour réduire l’impact environnemental de leur site internet ?

  1. Il faut faire un tour des fonctionnalités et de leur utilisation, parfois ce qu’on pensait indispensable n’est pas utilisé (des actualités non mises à jour depuis 2 ans par exemple, ou un slider en page d’accueil comme vu juste avant).
    Dans ce cas, il faut enlever la fonctionnalité.
  2. Il est possible de revoir aussi les contenus : vérifier que les photos sont à la bonne dimension : il ne sert à rien de télécharger une photo de 4Mo sur son site pour afficher une image redimensionnée dans son contenu : cela alourdit l’affichage de la page et vous a obligé à attendre que la photo de 4Mo se télécharge dans votre CMS.
    Vos visiteurs et votre bibliothèque de média vous remercieront (l’environnement également) 😊.

    Vous pouvez utiliser un logiciel de retouche d’image avant de les télécharger dans le CMS. Les anciennes versions de Photoshop sont gratuites, GIMP, Photofiltre, etc., sont des logiciels à installer sur les ordinateurs pour faire du traitement d’image.

  3. Vous pouvez déplacer votre site chez un hébergeur soucieux de l’environnement.
    Pour ma part, je recommande Infomaniak qui alimente ses data centers en énergie exclusivement renouvelable, encourage leurs collaborateurs dans l’utilisation d’une mobilité douce, et bien plus encore. Vous pouvez voir leur charte complète ici : https://www.infomaniak.com/fr/hebergeur-ecologique/charte-ecologique.

Y-a-t-il des outils permettant de connaitre l’impact de son site internet sur l’environnement ?

Il en existe quelques-uns, gratuit ou non. Je vous donnerais l’exemple d’Ecoindex.fr qui agit comme un radar sur l’autoroute. Il permet de « flasher » l’empreinte environnementale en parcourant une page donnée du site. Il se base sur 500 000 URLs pour calculer les médianes. Ensuite il utilise les données qu’il reçoit de votre site (poids des pages, complexité de la structure du site, nombre d’aller-retour entre le site et le serveur d’hébergement) pour calculer votre empreinte environnementale selon les émissions de gaz à effet de serre et l’utilisation d’eau nécessaire à son affichage.
Cliquez sur les i pour en savoir davantage.

Chaque entreprise possède une adresse email et donc une boite mail, quelles bonnes pratiques adoptées pour envoyer un email de manière écologique ?

Tout d’abord, sachez qu’il faut 2 fois plus d’énergie pour envoyer un mail que pour le stocker pendant 1 an.
La première recommandation en sachant cela est d’en envoyer moins. Je vous informe également, qu’un email envoyé au format texte pèse jusqu’à 4 fois moins lourd qu’un email au format HTML, donc : ne pas délivrer trop d’emails sans nécessité et les envoyer au format texte autant que possible, on enlève les images dans les signatures et on place les pièces jointes sur un espace dédié en ligne le temps nécessaire. Pour en savoir plus à ce sujet, je vous invite à lice cet article de greenIT: 19 grammes de CO2 : l’empreinte carbone d’un e-mail selon l’ADEME.

Est-ce que cela change quelque chose si on envoie un email avec des pièces jointes lourdes ou si on utilise un lien wetranfer ?

Il faudrait faire une étude un peu plus approfondie pour donner des chiffres.
Je dirais qu’une pièce jointe de 1Mo à 1 seul destinataire reste raisonnable. Si la pièce jointe doit être transmise à 20 personnes dont seulement 3 vont la lire, il vaut mieux utiliser un espace dédié en ligne.
Avant d’envoyer une pièce jointe, il faut s’assurer que les destinataires sont les seuls destinataires nécessaires.

Qu’en est-il concernant la gestion des boites email ?

En revenant sur le premier point de tout à l’heure, le stockage des emails n’a pas un impact environnemental élevé, il faut tout de même garder une qualité de travail dans sa boite mail et ça passe par la suppression de ses emails inutiles.

Techniquement, si les comptes mails sont en IMAP (hébergé sur le serveur d’email) et qu’ils sont synchronisés en entier sur un ordinateur de bureau, un ordinateur portable et un téléphone, les 3 appareils risquent d’être lents puisque plus il y a de donnés à synchroniser plus le temps nécessaire est long. Pour rappel, les données transférées coutent 2 fois plus à l’environnement et plus un appareil est lent plus on a tendance à le remplacer (alors que cela vient rarement des appareils).
Tandis que si les comptes sont paramétrés en POP (stockés sur un ordinateur) avec une rétention sur le serveur de 7 jours, seuls les 7 derniers jours sont répartis sur les deux autres appareils.

Je te remercie de nous avoir éclairés sur ce sujet très important. Mettre en place de bonnes habitudes pour communiquer de manière responsable, voilà un bon challenge pour les années à venir.
Si vous voulez aller plus loin sur le sujet je vous invite à lire l’article de Mr Mondialisation sur le cout écologique d’internet.

Vous avez un projet web respectueux de l’environnement?
Dominique Nicolle et Laureline Foucault vous proposent de vous accompagner dans ce projet.
Je vous propose 30 minutes d’échanges sur votre projet afin de faire un audit de votre communication actuelle et de vous orienter sur les supports de communication, imprimés ou numériques, adaptés à votre projet. Il suffit de m’envoyer un email à contact@laurelinefoucault.fr.